Architecture et enjeux climatiques

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Face à la dramatique accélération du changement climatique, l'architecture, la construction et l'aménagement urbain s'imposent comme des domaines d'action prioritaires pour réduire notre impact sur l'environnement et adapter nos sociétés aux défis à venir. Dans la mosaïque urbaine des Hauts-de-France où "Histoire" et "Innovation" dialoguent constamment avec le paysage, la formation "Bâti et enjeux climatiques" (proposée en 2023 par les CAUE 62/59 à Loos-en Gohelle et Lille), a jeté un pont entre théorie et pratique, science et artisanat, proposant une réflexion sur la conjonction entre habitat, urbanité et défis climatiques.

Dans un monde idéal, le tissu architectural ne devrait pas seulement répondre aux exigences fonctionnelles et esthétiques, mais aussi incarner une symbiose avec l'environnement dans lequel il s'insère. La prise de conscience environnementale des dernières années nous conduit de plus en plus à la matérialisation de cet objectif en empruntant des voies diverses. Voici celles qui se sont dégagées lors des débats et échanges entre les intervenants et les stagiaires.

L’enveloppe du bâti

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Matériaux et Constructibilité : face aux défis du changement climatique, le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) souligne l'importance des stratégies de construction et de matériaux qui valorisent l’efficacité énergétique et le confort thermique. L’adaptabilité est le maître mot : les bâtiments devront s’adapter aux conséquences négatives du changement climatique en modifiant leurs caractéristiques :

  • augmenter les valeurs d’isolation,
  • ajouter une protection solaire,
  • augmenter la ventilation naturelle,
  • favoriser une bonne orientation des ouvertures par rapport à la course du soleil,
  • appliquer des matériaux à albédo élevé pour l’enveloppe du bâtiment,
  • modifier la masse thermique,
  • ajouter des toitures/façades végétalisées aux bâtiments,
  • collecter l’eau.

Les exemples suivants reflètent une volonté manifeste d'opter pour des solutions de construction à la fois respectueuses de l’environnement et ancrées dans le tissu économique régional car les techniques de construction doivent minimiser l'empreinte écologique du processus de construction lui-même :

  • isolant écologique textile, produit à Bruay-La-Buissière,
  • briques en terre cuite fabriquées, Flines-lez-Raches,
  • parpaing à base de pierre ponce, Dunkerque,
  • béton cellulaire, Saint-Saulve,
  • filière bois régionale…

 

Le bâti et son environnement

Relation Bâti/Non-Bâti : la réflexion menée sur l’espace bâti ne doit pas s’arrêter à la seule empreinte du bâtiment, mais s’étendre à l’espace non bâti, englobant la biodiversité, les espaces végétalisés (pour combattre les îlots de chaleur) et l’utilisation optimale de l’espace (par exemple, en évitant l'étalement urbain). La loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN) est un outil pertinent qui oblige à cette réflexion à l’échelle du territoire, régulant ainsi l’équilibre entre zones construites et espaces verts ou agricoles.

Quelques exemples :

  • Le territoire de la Communauté d’Agglomération du Pays de Saint-Omer et Communauté de Communes du Pays de Lumbres : le SCOT du pays de Saint-Omer (Schéma de Cohérence Territoriale, outil de planification) privilégie le renouvellement urbain avec la volonté de refaire la ville sur la ville. Il s’agira de mener des politiques de valorisation des tissus anciens afin de les rendre plus attractifs, de lutter contre la vacance des logements et d’éviter la constitution de nouvelles friches. La recherche d’optimisation du foncier par un accroissement de la densité et de sobriété énergétique seront également des leviers importants.
  • La ville de Douai, dans un effort conscient pour aligner ses objectifs d'urbanisme avec la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN), a identifié une superficie de 50 hectares, initialement disponibles pour la construction. Toutefois, en tenant compte des impératifs environnementaux et des objectifs de la loi ZAN visant à réduire l'artificialisation des sols, ce chiffre a été judicieusement réduit à 12 hectares dans leur PLU, tout en répondant aux besoins de logements de la population (en réhabilitant l’existant, en utilisant les friches industrielles…).
  • Réhabilitation d’une friche commerciale, Courcelles-les-Lens, Zita architectes, Damien Guiot : https://www.caue-observatoire.fr/ouvrage/les-halles-mediatheque-3eme-lieu/

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© Zita architectes

Connectivité et Mobilité : la réflexion sur les transports, le raccordement aux réseaux et la mobilité douce est primordiale. Elle implique la problématique de la connectivité du bâtiment à son environnement immédiat et à la trame urbaine plus large.

Intégrer la mobilité et la connectivité dans la conception architecturale est capital pour instaurer des liaisons viables et durables au sein des trames urbaines (notamment dans le contexte des défis climatiques soulevés par les politiques du climat, de l’air, et de l’énergie). Les transports, en tant que secteur majeur émetteur de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, doivent être repensés pour réduire leur impact sanitaire et environnemental. Les bâtiments se doivent d’être conçus en symbiose avec un réseau de transport plus propre, optimisant ainsi les liaisons vertes et favorisant la mobilité douce. Cela implique une planification urbaine qui privilégie la proximité des services et une accessibilité élargie aux transports collectifs, tout en assurant une résilience aux changements climatiques et en favorisant une économie locale dynamique et inclusive.

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Les équipements techniques du bâtiment public

Mettre l'accent sur la sobriété énergétique et la rationalisation des équipements est essentiel dans la conception d'infrastructures publiques durables. Il s'agit de privilégier, dès le départ, des solutions basées sur une utilisation minimale des ressources, afin de garantir une exploitation efficiente à long terme. Cela peut passer par :

La mutualisation des équipements

Envisager des espaces polyvalents. Le partage des équipements entre plusieurs entités permet d'optimiser les investissements tout en favorisant la cohésion sociale.

La rationalisation des ressources

La mise en œuvre d’un système de gestion centralisé de l'eau peut permettre de réguler la fourniture d'eau chaude uniquement là où et quand elle est nécessaire.

La climatisation et le chauffage

Brise-soleil, ventilation naturelle, murs trombe… contribuent à la maîtrise énergétique.

A une échelle plus large, des réseaux de chaleur ou l’utilisation de la chaleur "fatale" ou perdue sont possibles (ex. : l’eau des bassins du centre aquatique de Desvres chauffée grâce à l’énergie perdue issue des activités de l’usine ArcelorMittal voisine).

La choix des énergies

S'assurer que les solutions adoptées sont viables à long terme, par des analyses de cycle de vie, par exemple.

Adopter une approche "Low Tech"

Se concentrer sur des solutions "Low tech", moins gourmandes en énergie et en ressources, tout en étant efficaces et durables.

Analyser le cycle de vie

Prendre en compte la durabilité des équipements dès leur acquisition, en privilégiant ceux qui présentent un bon bilan écologique sur l’ensemble de leur cycle de vie, de la fabrication à l'élimination.

 

Pour conclure

A travers ces exemples il s’agit de promouvoir une utilisation judicieuse et équilibrée des équipements, en intégrant la sobriété énergétique et l’efficacité dès la phase de conception. Au-delà de sa fonction première de protection et d'abri, le bâtiment du futur se veut un lieu à part, englobant une multitude de fonctions. Ce n’est plus seulement un espace de vie ou de travail, mais un écosystème intégré dans son milieu, un acteur du développement durable et un vecteur de lien social.

À travers la relation indissociable entre bâti et climat, le bâtiment n'est pas simplement un objet inanimé, mais un élément dynamique, capable d'interagir, d'influencer et d'être influencé par son environnement. À cet égard, les enjeux climatiques ne constituent pas uniquement un défi à relever, mais aussi une opportunité d'innover, de recréer et de faire évoluer nos habitats et nos villes vers des espaces plus résilients, inclusifs et harmonieux.

C'est dans cette optique qu'œuvrent les CAUE, le CERDD et bien d’autres organismes publics et privés en déployant leur expertise dans divers domaines, et en diffusant les connaissances, et les meilleures pratiques. Ces structures sont aujourd’hui d’incontournables ambassadeurs du développement durable dans la région des Hauts-de-France et au-delà.