Réinterroger la ville à l’aune de la COVID-19

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La crise que nous vivons actuellement a remis au premier plan de nombreuses problématiques liées à l’évolution contemporaine de nos villes et sur lesquelles travaillent architectes, urbanistes, paysagistes, sociologues et citoyens depuis de nombreuses décennies. La nécessité de trouver de nouvelles réponses à la question du logement, de la qualité de vie en ville, de la pollution et du réchauffement climatique n’a jamais été aussi pressante. C’est l’enjeu majeur du XXIème siècle.

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Réactiver les utopies et repenser la vie en milieu urbain

Dès la naissance des grandes cités antiques, s’est posée la question de l’organisation spatiale et sociale de la ville. Quelle forme et quel fonctionnement ? Pour tous les penseurs qui se sont appropriés cette question, la ville devait être davantage qu’un ensemble de "toits sur des têtes". Pour les philosophes grecs tels que Platon ou Aristote, la ville doit être mieux pensée, mieux organisée, mieux orientée. La densification des cités, tout au long du Moyen-Âge, posera le problème insoluble d’une population noyée dans ses rejets et soumis aux aléas des pandémies meurtrières (peste, choléra). La cité idéale est alors, avant tout, céleste !

C’est durant la Renaissance que les réflexions sur la cité idéale vont se multiplier. De nouvelles idées jaillissent avec Léonard de Vinci (projet de cité idéale à Romorantin), Thomas Moore (L’utopie, 1516), Francis Bacon (La Nouvelle Atlantide, 1627) mais peu de réalisations concrètes verront le jour, faute de moyens et de volonté politique. Après l’organicisme du XVIIème, le siècle des Lumières enfantera de nombreux projets d’embellissement et de mise en ordre de l’espace urbain et certains de ces architectes s’illustreront à travers des projets novateurs (projet de ville de Chaux, autour de la saline royale d’Arc-et-Senans par Claude-Nicolas Ledoux, par exemple).

La révolution industrielle et les nouvelles idées socialistes du XIXème donneront naissance à l’expérience fouriériste du familistère. Le XXème siècle répondra à l’urgence du baby-boom et à la forte croissance démographique à travers l’habitat collectif et les banlieues aujourd’hui mal-aimées. La question de la lecture et de l’expérience concrète de la "ville" présente dans les programmes d’enseignement du cours élémentaire au lycée, ouvre à des questionnements qui permettent au jeune d’appréhender le monde dans lequel il vit et sur lequel – citoyen en devenir – il pourra agir.

Réactiver les utopies à travers l’expérience des quartiers durables

La notion de quartiers durables (ou écoquartiers) s’est développée il y a quelques années. Des opérations innovantes en matière d’architecture, d’urbanisme, de techniques et de démarche ont vu le jour et sont susceptibles d’avoir un effet d’entraînement à des échelles plus larges. L’implication citoyenne, le cadre de vie privilégié et socialement responsable, le dynamisme territorial, la qualité environnementale…, autant de sujets inhérents à cette réflexion autour de la ville. Ils sont, en cela, porteurs des enjeux de la ville et des territoires de demain.

On trouve des écoquartiers dans de grandes métropoles européennes comme Stockholm, Hanovre, Fribourg-en-Brisgau, mais également dans des villes plus modestes de notre territoire comme Courcelles-lès-Lens ou Méricourt. Certains ont d’ailleurs fait l’objet d’une labellisation dans le cadre de la démarche ÉcoQuartier, portée depuis 2012 par l’Etat. Ils proposent une nouvelle approche de la ville pour demain avec la difficulté de conjuguer l’ensemble des enjeux et objectifs souhaités jusque dans l’opérationnel.

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Leurs principaux atouts :

  • un cadre de vie de qualité (espaces publics plus généreux et plus agréables qui stimulent le vivre ensemble, des logements qui dialoguent avec l’extérieur, la présence du végétal et de l’eau) ;
  • une sobriété énergétique (matériaux de construction, isolation, orientation, énergie verte…) ;
  • un accès aux transports publics plus aisé ;
  • la proximité des services publics et d’équipements (écoles, commerce, poste…) ;
  • son insertion dans un tissu urbain préexistant dont il tirera parti (histoire du lieu, caractéristiques existantes) ;
  • la mixité sociale ;
  • l’implication citoyenne dans la vie des écoquartiers, souvent dans des projets de petite taille qui influe directement sur le quotidien.

Ressources audiovisuelles :

Plus près de nous : des quartiers durables dans la région :

L’écoquartier des rives de la Haute Deûle, dans le secteur des Bois-Blancs à Lille, doit, à terme, comporter 1800 logements basse consommation d’énergie. Liliane et Jean-Pierre ont pris possession d’une des 300 premières habitations réalisées en 2013 : ils apprécient leur appartement "superbe", ses panneaux solaires, son isolation optimale dans un cadre contemporain de petits immeubles.

L’Union, quartier situé à la jonction de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos, a amorcé sa reconquête en 2007, lorsque Lille Métropole a décidé d’y conduire un vaste projet d’aménagement et d’en faire l’écoquartier pilote de la métropole.

Un quartier durable qui s’inscrit autour d’une médiathèque dans l’ancienne friche minière du 4/5 Sud à Méricourt.

Des villes en mutation dans la région :

Depuis une quinzaine d’années, Loos-en-Gohelle s’est engagée, avec et pour les Loossois, dans la construction d’un territoire qui tente de répondre aux exigences du développement durable.

Vitrine de la gestion différenciée des espaces verts depuis 15 ans, Grande-Synthe a été récompensée comme Capitale Française de la Biodiversité en 2010.

Pour aller plus loin :

La place de la nature en ville

Le confinement lié à la crise de la Covid a exacerbé l’envie de nature de cette France dont quatre habitants sur cinq vivent en ville. Quelles sont les stratégies envisageables pour reverdir nos cités ? Y-a-t-il un équilibre possible entre "nature et culture" ?

Un observatoire des initiatives végétales :

L’heure de la "ville sensible", nouveau paradigme urbain au sein duquel le végétal est appelé à jouer un rôle croissant, l’Observatoire des villes vertes a pour vocation de développer la réflexion sur les perspectives de la ville verte en France, de donner à voir les innovations et les pratiques qui renouvellent les approches du vert en ville et enfin de promouvoir le foisonnement d’initiatives végétales en milieu urbain !


Biodiversité :

S’il est tout à fait possible de faire cohabiter le bitume avec la faune et la flore et de réinstaller durablement une forme de nature en ville, il ne suffit pas de planter pour y parvenir. L’écologue Philippe Clergeau se bat pour imposer la biodiversité dans nos rues, en créant de nouveaux écosystèmes. Il nous a livré quelques pistes de réflexion pour favoriser la cohabitation des espèces en ville et rendre les espaces urbains plus écologiques.

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Créée dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la Trame Verte et Bleue propose de créer des continuités favorisant la biodiversité et le déplacement des espèces animales et végétales garantissant leur cycle de vie. Elle constitue l’ensemble du maillage des corridors biologiques, des réservoirs de biodiversité et des aires protégées.

Elle constitue une stratégie nationale et, par conséquent, un cadre et un outil important de l’aménagement du territoire.

La gestion différenciée : l’écoute de la nature

La gestion différenciée est un mode de gestion des espaces publics plus respectueux de l'environnement, qui consiste à appliquer une intensité́ et une nature de soins spécifiques en fonction des espaces de la commune.

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La biodiversité dans un jardin collectif bio citadin, l’exemple Rouennais :

Les jardins communautaires, associatifs, collectifs sont des jardins crées et animés collectivement par des associations d’habitants d’un quartier. Tout en étant ouverte au public, cette forme d’agriculture en milieu urbain, qui se pratique parfois sur des terrains laissés à l’abandon, permet à la fois d’améliorer le cadre de vie et de favoriser des échanges entre des personnes d’origine géographique, d’âge et de milieux sociaux différents.

Les jardins partagés :

Les jardins partagés répondent aux besoins des personnes qui ne possèdent pas de jardin. Ils permettent aussi aux propriétaires de jardin de mettre à disposition leur terrain pour cultiver un potager, entretenir cet espace, échanger et créer du lien social.

Opération "Verdissons nos murs" :

C’est un dispositif gratuit proposé par différentes villes de la région Hauts-de-France depuis 2003. L’idée est de supprimer une partie du bitume au pied de la façade des logements et d’installer quelques câbles pour y faire pousser une plante grimpante.

Circuler autrement dans la ville

La distanciation sociale liée à la pandémie a étrangement redessiné nos espaces de circulation. Les terrasses ont empiété sur les trottoirs, les piétons ont momentanément empiété sur les rues et routes, moins fréquentées, alors que les vélos, trottinettes, skateboards et autres gyropodes tentent de cohabiter sans trop de dégâts avec les voitures et autres transports urbains. Si la crise de la Covid a participé à ces changements, l’évolution des comportements est aussi liée à une prise de conscience écologique. Ces changements ont contraint certaines agglomérations à revoir leur plan de circulation et à imaginer de nouvelles façons de gérer (ou pas) les flux à travers un urbanisme tactique.

Ce concept, originaire des États-Unis, consiste donc à mettre en place "des aménagements temporaires qui utilisent du mobilier facile à installer (et à désinstaller) pour démontrer les changements possibles à l’aménagement d’une rue, d’une intersection ou d’un espace public. On peut ainsi montrer comment l’aménagement peut influencer le comportement des usagers".

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